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LE DÉFILÉ DE LA PLACE DE LA CONCORDE

Champs-Élysées. Une estrade est dressée place de la Concorde en face de la statue de Strasbourg. Une foule innombrable couvre la place, les arbres et les toits.

J’arrive à la Concorde par les Champs-Élysées. Sur l’estrade, le corps diplomatique, les présidents des Chambres, les ministres, quelques députés. Je lis un discours[1] au son du canon et au bruit des avions. Au lointain, murmure de la foule et on ne m’entend pas à cinquante mètres. Je suis tête nue malgré le froid piquant. Les ministres font comme moi, mais Clemenceau garde son chapeau sur la tête. Il est jaune, le teint bilieux et quand j’ai fini, il me dit : « Je vous demande pardon d’avoir gardé mon chapeau sur la tête, mais les médecins sont en train de me faire une opération dans la gorge et je suis souffrant. »

Le défilé commence dans un désordre incroyable, les associations veulent stationner devant nous et le cortège est bientôt complètement embouteillé. Clemenceau refroidi s’en va par derrière la tribune. Dubost, Deschanel et moi, nous ne tardons pas à l’imiter. Mais, ma voiture n’étant plus là (à cause du froid, les chevaux avaient dû être reconduits à l’Élysée) je prends le parti de rentrer à pied par l’avenue Gabriel ; les présidents des Chambres m’accompagnent jusqu’à l’Élysée, ainsi que Sainsère et les officiers de la maison militaire.

La foule enchantée nous suit et pousse de joyeuses acclamations.

Clemenceau vient à la fin de la journée me voir avec son fidèle Pichon. Il m’explique qu’il désire me parler de Pétain. Foch lui a déclaré qu’il lui semblait nécessaire de nommer Pétain maréchal.

  1. Voir Messages et Discours, 1er volume, p. 299 (Bloud et Gay éditeurs).