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L’ÉMOTION EST GÉNÉRALE

nastes, tous les groupements lorrains, des nuées de jeunes filles charmantes. Le spectacle est délicieux. À pied, nous traversons la place pour nous rendre à la cathédrale, entourés, portés par la multitude. Le clergé nous reçoit à l’entrée. L’évêque allemand s’est caché ; mais le vicaire général, les chanoines, tous les prêtres sont là. Le vicaire général m’adresse quelques mots patriotiques. Je lui réponds en rendant hommage aux sentiments du clergé catholique et des fidèles. Les applaudissements retentissent sous les voûtes de l’église[1].

Après avoir fait le tour intérieur de la cathédrale, nous remontons en voiture et nous nous rendons au cimetière où se trouvent les tombes de 70 et celles de la dernière guerre. Une compagnie fait la haie. Là, comme dans les rues, la physionomie des poilus rayonne. Auprès du monument de Chambières, les « Dames de Metz », celles dont Barrès parle dans Colette Baudoche, sont groupées pour me recevoir. Je les félicite et les remercie d’avoir entretenu le feu sacré. Ayant appris qu’il y avait dans un hôpital, chez les Jésuites, un certain nombre de prisonniers français blessés, je suis allé les voir avant de terminer notre tournée. Ce trajet supplémentaire nous a fait suivre des rues étroites que nous parcourons au pas. Le maire nous dit : « Ce n’est pas l’Empereur qui aurait osé se faire conduire au pas dans des rues si peu larges ! Il avait peur et il faisait toujours trotter ! »

Comme il est visible que nous sommes ici chez nous et comme tous ces braves gens sont heureux ! De vieilles femmes pleurent. D’autres nous bénissent, se mettent à genoux ! Les cris de « Vivent nos libérateurs ! » se mêlent à ceux de « Vive la France ! » Journée d’une beauté souveraine. Maintenant, je peux mourir.

  1. Messages et Discours, IIe volume, p. 67 (Bloud et Gay, éditeurs).