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LA VICTOIRE

Nous revenons à la gare sans que l’enthousiasme se refroidisse. Je laisse des offrandes pour les pauvres et pour l’hôpital. Notre train part et va se garer pour la nuit à Phalsbourg où le Conseil municipal et une partie de la population se massent sur les quais pour nous souhaiter la bienvenue. Ici, c’est déjà le vieil accent lorrain qui retentit à nos oreilles.

Tous ces braves gens partis, je vais tâcher de dormir un peu et de plonger dans le sommeil les rêves de la journée, mais les visions de l’après-midi chassent celles de la nuit et je n’arrive pas à fermer l’œil.

Nous arrivons à Strasbourg le lundi matin à neuf heures. Il a fallu nous arrêter un instant à Saverne parce que la municipalité et les habitants nous attendaient sur le quai et que j’ai dû adresser à la ville délivrée deux mots de félicitations qui ont été vivement applaudis.

À Strasbourg, nous avons été reçus par Maringer, haut commissaire, et par les généraux Hirschauer et Gouraud. Dans un salon de la gare, le maire, vieil Alsacien fidèle, me souhaite la bienvenue et me remet les clefs de la ville. Voici maintenant venir de jeunes Alsaciennes, plus nombreuses et plus empressées encore que les Lorraines de Metz. Et notre cortège défile au milieu d’une foule en délire. L’accueil de Metz n’était rien auprès de cette frénésie. Ce ne sont que mouchoirs et chapeaux qui s’agitent, et cris qui se répercutent. Sur toutes les maisons, des banderoles avec des inscriptions lumineuses : « Vive Poincaré ! Vive Clemenceau ! Vivent nos libérateurs ! »

Nous arrivons place Kléber. Je reconnais l’hôtel allemand où ma femme et moi, nous avons déjeuné en 1910 au cours d’un voyage d’agrément. Il est fermé : mais, à toutes les autres maisons,