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LA VICTOIRE

épingle la croix au corsage. Elle pâlit et pleure de joie.

Puis, par les rues encombrées et enthousiastes, nous retournons à la gare.

Nous déjeunons dans le train et de la vallée, je revois le versant de ces Vosges, d’où j’ai si souvent cherché, pendant la guerre, Colmar et Mulhouse.

À une heure et demie, nous arrivons dans cette grande ville. Elle est tout entière dans les rues, aux balcons, sur les toits, frémissante de joie patriotique. J’aperçois M. Hugelin, avec le drapeau que je lui ai donné en 1915. Nous allons d’abord à la Bourse. Le maire, M. Wolff, m’y remet 700 000 francs, pour une commune de la Meuse et me désigne lui-même Sampigny. Les braves gens ! Peuvent-ils faire un geste plus amical et plus délicat ?

Le maire nous remet également, à Clemenceau et à moi, des médailles rappelant l’incorporation volontaire de Mulhouse à la France en 1798. Puis il m’adresse un discours très chaleureux auquel je reponds.

Tous les maires de la vallée de la Thur sont là, et je les reconnais tous.

Puis longue et émouvante promenade dans les rues. Ensuite sur la Grande Place, revue et défilé splendide devant une foule ardente.

Le général de Boissoudy, qui commande à Mulhouse, me rappelle nos visites communes dans les Vosges.

Mais le rêve est fini. Au milieu des vivats nous regagnons notre train et nous repartons pour Paris par Strasbourg.

Et je songe que nous n’avons jamais voulu la guerre et que si l’Allemagne ne nous l’avait pas déclarée, tous ces pauvres gens auraient été à jamais abandonnés ! Jamais, jamais, nous ne les aimerons assez.