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AFFAIRE GUILBEAUX

manière d’éviter un écrasement total et de réserver la possibilité d’une reprise des hostilités avant la fin de la guerre. Je ne sais jusqu’à quel point cette seconde perspective est sérieusement envisagée par lui. Le roi George V et Lloyd George, qu’il a vus avant son départ, lui ont donné le conseil de traîner les choses en longueur. J’insiste dans le même sens, en tâchant même de l’encourager à une dernière résistance, mais, hélas !…

Le colonel Billy, attaché à la mission de Tardieu aux États-Unis, me représente Wilson comme très autoritaire et très ombrageux, convaincu, en outre, qu’un discours de lui peut amener la révolution en Allemagne. Il espère que le tonnage américain se développera sensiblement dans quelques mois. Il partage l’avis de Jusserand et le mien sur l’inutilité et le danger de la démarche qu’on a prescrite à Jusserand à propos des remontrances récentes de Wilson.

Les aviateurs Garros et Marchal, récemment évadés d’Allemagne, me racontent les péripéties de leur courageuse équipée. Je leur adresse mes vives félicitations.

Nail m’apprend que l’affaire Guilbeaux prend de grandes proportions, C’est, dit-il, le noyau du défaitisme.


Mardi 5 mars.

Conseil des ministres. Suivant une habitude décidément prise, ni Clemenceau ni Pichon ne traitent aucune affaire et ne proposent aucune solution. Le premier s’amuse cinq minutes avec des broutilles et ne dit pas un mot des grandes questions politiques ou militaires ; le second, qui voit tous les jours Clemenceau seul à seul et qui règle tout avec lui directement, lit des télégrammes, donne connaissance de quelques réponses, mais ne demande l’avis du Conseil sur rien. Ce procédé