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LA CONFÉRENCE DE DOULLENS

responsabilités. — Nous sommes ici pour en prendre. Je prends les miennes volontiers. Mais la journée est décisive. Il faut garder note des délibérations. — Pour qui ? Pour Clio ? Elle saura bien se passer d’un papier. Non, non, pas de procès-verbal ! » Cependant Clemenceau lui-même dit à Milner : « C’est aujourd’hui une journée historique. Le sort de la guerre va se fixer. »

Il est maintenant tout à fait d’accord avec Foch et avec moi sur la nécessité d’empêcher la coupure et de défendre Amiens.

Notre conférence commence vers midi et dure jusqu’à deux heures. Haig est toujours souriant et aimable, mais un peu nerveux et congestionné. Il prétend qu’il n’a plus de réserves. Il espère tenir au nord de la Somme, mais il lui est impossible de s’étendre au sud. Les débris de l’armée Gough ont besoin d’être relevés le plus tôt possible. Pétain consent à relever l’armée anglaise jusqu’à la Somme. Mais il craint que ses divisions n’arrivent pas assez vite. Il croit beaucoup moins à l’attaque sur la Champagne.

Milner me parle de Pétain sans aucun enthousiasme. Il n’est nullement disposé à lui subordonner Douglas Haig. Il est beaucoup plus favorable à Foch et croit qu’il y aurait intérêt à charger au moins celui-ci de coordonner l’action des armées alliées. Je réponds que cette coordination ne vaudrait pas l’unité de commandement. Il réplique que l’avenir sera réservé et, qu’en tout cas, la coordination serait elle-même un progrès et présenterait de grands avantages.

C’est l’idée de Milner qui a été appuyée par Clemenceau à la conférence de Doullens et c’est elle qui a été adoptée. C’était probablement le général Wilson qui, après avoir causé avec Foch, avait suggéré cette combinaison à lord Milner.

Finalement l’accord s’était fait entre Pétain,