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LA VICTOIRE

bizarres. Il envisageait les pires hypothèses et prévoyait, d’avance, des replis qu’il était dangereux de montrer aux troupes comme une possibilité. Il raconte alors les deux conférences, expose sous le jour le plus favorable la mission donnée à Foch, se félicite du concours de Milner et continue : « L’heure est grave ; il n’y a pas à le dissimuler. Il faut prévoir que la retraite s’accentuera encore ; mais l’essentiel est de tenir et de ne pas faire la paix. On a dit beaucoup de mal de nos anciens rois, de Charles VI. Ils ont eu un grand mérite. Ils n’ont pas fait la paix quand il ne fallait pas la faire. Nous ne la ferons pas. Du reste, les pacifistes eux-mêmes paraissent avoir les yeux dessillés. J’ai appris, il y a quelques jours, que certaines organisations ouvrières se préparaient à distribuer des tracts où il était dit que c’était la France qui était responsable de la guerre. Ma première pensée avait été de faire une saisie à la Confédération générale du Travail. Mais j’ai cru pouvoir prier la Confédération de faire sa police elle-même, et je suis sûr qu’elle la fera. »

Puis il se plaint des Commissions parlementaires qui l’appellent encore cet après-midi et lui prennent trop de temps. En quoi il a raison. Après cette intervention faite d’un ton grave, il conclut : « En tout cas, le gouvernement a fait et continuera à faire son devoir en accord étroit avec le président de la République. »

G. Leygues déclare alors qu’il faut remercier et féliciter le président et le gouvernement d’avoir compris qu’ils avaient le droit et le devoir de diriger eux-mêmes la guerre, que leur intervention aura pour effet de conjurer un désastre ou tout au moins de réunir tous les moyens de le conjurer.

Le Conseil traite ensuite quelques affaires courantes et la séance est levée.