Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/129

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et patria. Aux quatre coins, le chiffre couronné de Guillaume II. Le colonel Serret, notre ancien attaché militaire à Berlin, celui-là même qui nous avait dénoncé, avec tant de clairvoyance, les menées du militarisme impérial, et qui vient de rentrer en France, a apporté hier ce somptueux fanion au ministère de la Guerre. Il a été exposé à une fenêtre de l’hôtel de la rue Saint-Dominique. Il est venu ensuite passer la nuit au palais de la présidence. Dans la solitude nocturne de mon cabinet, j’ai longuement contemplé ce témoin muet de nos premiers succès militaires. Ce matin, une compagnie de la garde républicaine à pied l’a conduit à l’hôtel des Invalides. Le sous-officier chargé de le porter ne l’a pas tenu debout ; il l’a couché sur son épaule, comme un drapeau mort, et le détachement est parti par l’avenue Marigny et le pont Alexandre III, sans que la musique jouât pendant le parcours ; elle ne s’est fait entendre qu’à l’arrivée. Le général Niox, gouverneur des Invalides, a mis ce trophée en bonne place dans le vieil hôtel de Mansart.

La concentration étant terminée, j’exprime à M. Messimy l’intention d’aller, le plus tôt possible, avec lui, sur le front, pour adresser à nos armées les encouragements des pouvoirs publics. Il est personnellement favorable à cette visite, mais il croit devoir consulter le grand quartier général et le grand quartier général ne juge pas le moment venu. Jusqu’à nouvel ordre, me voilà donc forcé de rester en chartre privée et, chef d’État républicain, de passer pour un roi fainéant. Mais la parole est à l’armée. Je me tais et je m’incline.

M. Clemenceau, lui, ne se tait pas. Il vient se plaindre à moi que les « communiqués » du grand