Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/130

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quartier général dissimulent nos échecs et célèbrent beaucoup trop bruyamment nos victoires. Il prétend qu’un régiment de réservistes marseillais a été fait prisonnier et que, dans la folle ardeur d’une attaque inconsidérée, un bataillon de chasseurs a été décimé. Il insiste sur les fautes nombreuses et graves qui, dit-il, ont été commises dans la première marche sur Mulhouse. « Je crains, ajoute-t-il, que si nous essuyons, un jour ou l’autre, une défaite toujours possible, il ne se produise un funeste revirement dans l’opinion, qui est artificiellement exaltée et qui tombera brusquement de trop haut. » Je partage l’avis de M. Clemenceau. Mais je suis dépourvu par la Constitution de tout moyen d’action personnelle et, jusqu’ici, ni le grand quartier général, ni le ministère de la Guerre ne me donnent guère plus de renseignements qu’à la presse et au public. J’ai beau réclamer. On ne me répond que par le silence et la force d’inertie.

M. Ernest Lavisse me confie que M. Isvolsky, aussi remuant dans la guerre que dans la paix, a convoqué à 8on ambassade plusieurs Polonais habitant Paris pour les chapitrer à sa manière. Mme Curie s’est trouvée du nombre. Ces Polonais ont demandé à M. Isvolsky si le manifeste du grand-duc Nicolas, promettant à leur pays natal un régime autonome, exprimait bien, comme il nous a été affirmé, non seulement la pensée du généralissime russe, mais la volonté de l’Empereur. Ils ont été surpris et un peu inquiets d’entendre l’ambassadeur faire une réponse évasive et ambiguë.

Ils désireraient que la France cautionnât, par des déclarations publiques, la promesse du grand-duc. Le moment viendra, sans doute, de donner une garantie de cette sorte, mais il est bien tôt pour