Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/138

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de faire venir dans le Nord nos troupes d’Algérie et même d’être sur le point d’y recevoir une partie des troupes du Maroc. En même temps, ce délai a laissé aux Anglais la possibilité de se concentrer. M. Messimy affirme qu’il y a maintenant cent mille Anglais dans les environs du Cateau, que leur cavalerie peut partir aujourd’hui et leur infanterie dans quarante-huit heures. Bref, le gouvernement se résigne à l’inévitable et regrette que le colonel Aldebert ait paru reprocher à la Belgique une défaillance dans sa coopération militaire. M. Klobukowski a été reçu par le roi Albert, qui lui a tenu le langage le plus digne30. Le souverain était en petite tenue et portait pour toute décoration notre médaille militaire. « Ce n’est pas, a-t-il dit, que je croie la mériter, mais j’ai la plus haute estime pour ceux qui me l’ont conférée. Je suis très reconnaissant au gouvernement français de ne pas douter, dans les circonstances présentes, de la sincérité et de la fermeté de mon attitude. Je voudrais qu’il n’y eût pas entre nous un malentendu. Aussi vais-je vous parler à cœur ouvert, comme à un ami, et je vous prie de retenir et de transmettre ce que je vous dirai. Le mouvement qui vient de se produire et le rassemblement de notre armée sur Anvers est la conséquence de la pression exercée par des forces très supérieures en nombre et menaçant de nous envelopper. La retraite n’a été ordonnée qu’après l’avis formel des généraux commandant les trois divisions engagées, dont le général Bertrand, qui a fait à Liége un mouvement offensif si remarquable. Si nous avions continué à tenir, nous risquions d’être