Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/143

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le roi Haakon a dit, lui aussi, à notre ambassadeur : « Nous sommes avec vous de cœur, mais nous sommes forcés de rester neutres, d’autant que nous venons de signer un accord avec la Suède, pour être plus sûrs qu’elle ne sortira pas elle-même de la neutralité. Comme marin, je suis préoccupé des difficultés que va, sans doute, rencontrer la flotte britannique. Elle risque de s’user dans l’attente de la flotte allemande. Elle manque totalement de base navale. Si elle était amenée à en chercher une sur nos côtes, nous serions forcés de nous y opposer, car la laisser faire, ce serait sortir de la neutralité… Enfin, j’espère que, malgré tout, vous l’emporterez. Car si vous étiez battus, nous ne tarderions pas à nous trouver sous la botte de l’Allemagne. » À Londres enfin, M. Asquith et sir Ed. Grey, recevant M. Jules Cambon, ont reconnu que l’absence de base navale, — qui nous embarrasse nous-mêmes beaucoup, en ce moment, pour nos opérations de l’Adriatique, — est fort gênante pour l’Angleterre. Ils ont laissé entendre qu’après des victoires terrestres, on pourrait chercher à obtenir l’assentiment du Danemark, en lui promettant la restitution du Slesvig et de la partie danoise du Holstein. L’ Angleterre tient, en outre, à faire proclamer pour l’avenir le caractère international et la neutralité du canal de Kiel. Le roi George a déclaré avec force que son pays continuerait la guerre jusqu’à la chute des Hohenzollern.

Je remercie M. Jules Cambon de ces informations et je le prie de ne pas nous ménager ses conseils, au gouvernement et à moi, dans les heures graves que nous vivons. Voici précisément que se présente pour lui une mission d’intérêt immédiat.