Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/164

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arrive à son tour et sur son visage, ordinairement joyeux et souriant, je lis, du premier coup d’œil, la déception et l’inquiétude : « C’est la défaite ? » lui dis-je. – « Oui, monsieur le président », me répond-il, sans chercher à déguiser la vérité ; et il m’explique ce qui s’est passé.

Ces jours derniers, lorsque notre grand état-major a vu s’étendre peu à peu, au delà de Bruxelles, le mouvement tournant des forces ennemies, il a poussé notre 5e armée dans la direction de la Sambre et glissé jusqu’à la frontière notre 4e armée, précédemment tenue en réserve. Il a, en outre, emprunté aux armées de l’Est, 1re et 2e, des corps destinés à renforcer nos moyens d’action dans le Nord. La 4e armée, commandée par le général de Langle de Cary, s’est ainsi trouvée composée de troupes excellentes, représentant six corps et demi. Elle était cantonnée dans les régions de Montmédy, Stenay, Buzancy, Mouzon, Bouillon, Bièvre. À droite de la 4e, la 3e armée, commandée par le général Ruffey, s’était établie de Jametz à Étain. Il avait, été, en outre, constitué le 19 août une armée de Lorraine, placée sous les ordres du général Maunoury et destinée à masquer la place de Metz, pendant que deux corps de la 3e, le IVe et le Ve, prendraient l’offensive dans la direction d’Arlon, et que le VIe, avec le général Sarrail, resterait en observation autour de Fresnes-en-Woëvre. Le 20 août, le général en chef donnait à de Langle de Cary et à Ruffey ses instructions finales en vue de l’attaque si impatiemment attendue par nos troupes et si longtemps retardée par les nécessités de la concentration. La 4e armée devait s’avancer droit au nord et tomber brusquement dans le flanc des armées allemandes qui