Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/210

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représenté comme un homme loyal et animé des meilleures intentions. Mais nous ne le connaissons pas encore. Il vient de s’embarquer pour la France et sera à Paris un jour très prochain. Il a heureusement reçu pour instructions de ne pas me remettre ses lettres de créance dès son arrivée et d’attendre que les diverses questions dont s’occupe M. Herrick et qui n’ont pas de rapports avec la guerre aient été réglées à la satisfaction des deux pays25.

Au surplus, M. Jusserand a été reçu hier par le président des États-Unis26. M. Wilson lui a parlé du conflit européen avec une émotion qu’il ne cherchait pas à dissimuler. Notre ambassadeur lui a rappelé tous les efforts que nous avons faits pour éviter ce malheur. Si surveillées qu’elles fussent, les expressions dont s’est servi le président étaient empreintes d’une réelle sympathie pour la France. M. Jusserand s’est attaché à montrer que les Allemands qui voudraient vendre aux États-Unis, pour en obtenir de l’argent, des navires stationnés dans les ports américains, n’avaient nullement, suivant la convention de Londres de 1909, le droit d’opérer ce transfert de pavillon et que le gouvernement de Washington ne pouvait lui-même se prêter à cette combinaison. Aux observations de M. Jusserand, M. Wilson, juriste austère, a simplement répondu: « Ce que vous me dites va être pour moi l’occasion de bien sérieuses réflexions. » Quel sera l’effet de cette méditation présidentielle ? Nul ne le sait. M. Wilson ne connaît guère l’Europe et l’Europe ne connaît guère