Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/236

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l’arrière. Dès le 31 juillet, Edmond Rostand m’a écrit une lettre très touchante et très noble pour me proposer sa collaboration. Il accepterait avec joie, me disait-il, une modeste place de secrétaire. Anatole France, qui de nihiliste dilettante s’est fait chauvin passionné, — pour combien de temps, je ne sais — a sollicité de nous l’autorisation de servir comme simple soldat. On lui a permis de porter dans une cité des livres un bel uniforme neuf. Aujourd’hui, c’est Pierre Loti qui s’adresse à moi : « Depuis plus d’un mois, m’écrit-il, sans avoir osé encore venir jusqu’à vous, j’use vainement de toutes mes influences pour essayer d’obtenir le moindre poste militaire et de servir encore mon pays. Mais je me heurte à des règlements et surtout aux jalousies de deux ou trois petits chefs qui ne me pardonnent pas le nom que je porte. Je suis cependant sur le point d’aboutir auprès du général Gallieni ; l’Académie française a fait ce matin auprès de lui une démarche pressante et il a paru comprendre qu’il serait d’un bon exemple dans notre pays que Pierre Loti payât de sa personne. Seriez-vous assez bon pour lui faire dire un mot qui le déciderait tout à fait et un mot peut-être à M. Augagneur pour qu’il ne s’y oppose pas ?… » Je dis naturellement les deux mots et Pierre Loti obtient l’humble poste auquel il aspire.

D’autres hommes de lettres, des historiens, des professeurs, des érudits, des philosophes, tels que MM. Émile Boutroux, Hanotaux, Lavisse, comte de Mun, Maurice Barrès, Henri Lavedan, Lévy-Bruhl, Joseph Bédier, Aulard, Victor Basch, et tant d’autres, se sont spontanément mobilisés, non seulement pour exhorter le pays à la patience