Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/237

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et à l’énergie, mais pour répondre aux calomnies variées que certains professeurs trop zélés des universités allemandes ont cru pouvoir répandre contre la France sous couleur de vérités démontrées. Aucun de ces volontaires de l’intelligence ne songe certes à méconnaître les grands mérites de la science germanique. Mais lorsqu’elle affirme, soit que les vieilles légendes de notre cycle breton sont nées en partie sur la rive droite du Rhin, soit que l’art gothique a été importé en France par l’Allemagne, soit, comme aujourd’hui, que les empires des Hohenzollern et des Habsbourg ne sont pas responsables de la guerre, peut-être n’est-il pas mauvais qu’il y ait en France, pour ne pas laisser passer sans protestation d’aussi audacieuses fantaisies, des hommes de science, qui sont aussi des hommes de conscience.

J’apprends, par Millerand, et par les officiers de liaison, que nous avons encore dû céder du terrain à notre aile gauche et que, par suite, il n’est plus question de reprendre immédiatement l’offensive. Après de nouvelles conversations téléphoniques avec Joffre, le ministre de la Guerre considère le départ du gouvernement et le mien comme indispensables et urgents. Il ignore, comme moi, que l’armée von Klück commence à dévier de sa direction primitive. Suivant lui, nous ne pouvons rester au delà de demain soir. Il ne peut pas prendre la responsabilité d’un plus long retard. Il croit impossible, pour moi comme pour lui, d’assister à la bataille, même dans une première phase. La présence du gouvernement à Paris est pour les Allemands une trop grande tentation. Millerand consultera encore le général Gallieni, mais il est sûr, dit-il, de sa réponse ; elle sera celle