Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/247

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d’étoffes aux couleurs allemandes. L’enveloppe et le papier sont consciencieusement transmis à l’Élysée par les soins de la police.

Sous la surveillance attentive de M. Tronchet, architecte du Palais de la présidence et de M. Perrin, chef du matériel, commence le déménagement des tapisseries, des pendules, des fauteuils et des chaises, qui vont être abrités au garde-meuble. À la vue des Gobelins qu’on enlève, des objets qu’on emballe et de nos propres malles qu’on remplit, j’éprouve de plus en plus cruellement tout ce qu’il y a de douloureux dans ce mot départ qui a résonné depuis quelques jours à mes oreilles et, dans les salles qui se vident, j’erre déjà comme un exilé.

M. Viviani me communique un manifeste qu’il a préparé et qu’il a l’intention de soumettre au Conseil, avant de le faire afficher. C’est une explication de notre départ et un appel à l’énergie du pays. Je trouve le texte un peu déclamatoire. J’engage Viviani à en écrire un plus bref et plus sobre. Il me prie de le revoir moi-même. Je le remanie donc, mais moins complètement qu’il ne faudrait, et le Conseil adopte, à peu de détails près, notre rédaction commune : « …Pour veiller au salut national, les pouvoirs publics ont le devoir de s’éloigner pour l’instant de la ville de Paris. Sous le commandement d’un chef éminent, une armée française, pleine de courage et d’entrain, défendra contre l’envahisseur la capitale et sa patriotique population. Mais la guerre doit se poursuivre, en même temps, sur le reste du territoire… Durer et combattre, tel doit être le mot d’ordre des armées alliées… C’est au gouvernement qu’il appartient de diriger cette résistance