Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/278

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un coup d’État militaire ou un pronunciamiento. Je fais remarquer que cette éventualité n’est certainement pas à envisager, que le caractère de Gallieni nous garantit contre toute aventure, que ce qui manque à Paris, c’est le gouvernement et que si nous repartions bientôt… Mais toutes les administrations ont déménagé, elles se sont établies à Bordeaux dans des locaux réquisitionnés, elles s’y sont remises au travail et aucune d’elles ne désire un nouveau déplacement. Ma timide suggestion n’a donc aucun succès. Cependant, la vague appréhension que les récits d’Albert Thomas ont mise en certains esprits s’y fixe d’autant plus que Clemenceau vient de publier un article où il accuse le gouverneur militaire de Paris de préparer la Commune, pendant que son entourage civil fait déjà, dit-il, son lit à l’Élysée, — à l’Élysée où M. Clemenceau ne veut plus voir coucher personne autre que lui. Briand n’est pas de ceux qui prennent au sérieux ces histoires de croquemitaine, mais, avec son merveilleux flair de l’opportunité, il comprend, tout de suite, combien la venue d’un membre du gouvernement à Paris serait favorablement accueillie de l’opinion et il s’offre à faire le voyage pour causer avec Gallieni et avec ses collaborateurs.

Soirée d’anxiété. Je télégraphie plusieurs fois à Millerand. Ce n’est que vers onze heures que sont déchiffrés les télégrammes de Joffre. On se bat partout, mais nous n’avançons nulle part, sauf sur le Petit-Morin. L’armée Maunoury a été violemment contre-attaquée. Elle a dû reculer sur quelques points. Pour l’étayer en arrière, Gallieni a porté la 62e division de réserve à Montgé et à Dammartin. Des combats incertains se livrent