Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/283

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Depuis trois jours, notre aile gauche a progressé de quarante kilomètres. Les Anglais ont atteint la Marne. Nous comptons y arriver nous-mêmes demain, quoique nous ayons eu un léger recul près de La Ferté-Gaucher. Sous Paris, dans la vallée de l’Ourcq, l’armée Maunoury tient bon. Impression d’ensemble très satisfaisante.

Soulagé par ces renseignements, je me sens plus à l’aise pour m’intéresser à ce qui se passe hors de France. À l’est de l’Europe, les armées russes continuent elles-mêmes à se battre avec succès. Elles avancent à l’ouest de Lemberg et le long de la Vistule. Elles progressent aussi en Prusse orientale. Elles retiennent, en tout cas, devant elles un certain nombre de corps allemands qu’elles enlèvent à notre front. Ce n’est pas le « rouleau compresseur » qu’avaient rêvé certains de nos journaux. C’est, du moins, à une heure décisive pour la France, un précieux concours.

Il semble que l’Allemagne reconnaisse dès maintenant que son plan de grande offensive brusquée ait échoué. Le comte Bensdorff s’est démené à Washington pour provoquer une médiation américaine4. Il a pressenti à ce sujet le secrétaire d’État, M. Bryan, qui a prévenu le président Wilson : « Je n’ai pas caché à M. Bryan, télégraphie M. Jusserand, que les chances de réussite de l’intervention envisagée étaient infinitésimales, chaque jour allongeant la liste des crimes allemands et accroissant l’indignation universelle. Comme, à ce moment, il avait fait allusion à un retour au statu quo, je lui ai répondu que nous l’accepterions,