Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/294

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n’ont vraiment qu’une âme, tout entière absorbée dans la pensée de la France.

M. Briand me téléphone de Paris. Il se félicite, lui aussi, de l’issue de la bataille et dans sa voix profonde, qui résonne au bout du fil, je perçois un tremblement inaccoutumé. Sa venue et celle de Marcel Sembat ont produit, me dit-il, le meilleur effet sur l’opinion parisienne. Tout est au calme. Le général Gallieni est très satisfait des opérations militaires.

L’officier de liaison, commandant Guillaume, m’annonce que le général Joffre est résolu à continuer le mouvement en avant et à pousser énergiquement l’ennemi en retraite. Notre cavalerie a encore pris un drapeau près de Senlis. C’est le troisième depuis quatre jours. Ces trophées vont être envoyés à Bordeaux ; j’espère bien les rapporter le plus tôt possible à Paris. Les Allemands ont abandonné, en se retirant, des objets de toutes sortes, batteries d’obusiers, caissons, mitrailleuses, munitions, documents, cartes, papiers. À Fère-Champenoise, ils ont pillé les caves et dévalisé les maisons, ils se sont livrés à de honteuses bacchanales et se sont retirés, laissant ivres-morts dans les sous-sols de la ville des soldats de la garde impériale. Nos troupes ont repris Epernay, Châlons-sur-Marne, Vitry-le-François. Elles atteignent la forêt de Compiègne, Villers-Cotterêts, Fère-en-Tardenois. Devant Sarrail, la 5e armée allemande, celle du kronprinz, se replie enfin vers le nord, par Laheycourt. Elle brûle plusieurs des localités qu’elle traverse, mais elle doit renoncer à atteindre la vallée de la Meuse au sud de Verdun.

À la fin de l’après-midi, un nouveau télégramme de Joffre au ministre de la Guerre nous apprend