Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/337

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civil. M. Maurice Raynaud, en revanche, est navré de n’être pas encore, comme il l’espérait, chargé d’étudier l’amélioration des transports. MM. Ignace et Brunet, représentants de Paris, viennent, au nom de leurs collègues, me signaler de graves lacunes dans le service sanitaire. J’ai déjà reçu à cet endroit des plaintes nombreuses dont j’ai fait part à Millerand. Hier encore, dans l’hôpital du barreau bordelais, où Mme Poincaré est infirmière, des tirailleurs algériens, blessés à Soissons, sont arrivés après six jours de voyage. On les avait d’abord envoyés à Guingamp, d’où on les a ramenés à Bordeaux. Là aussi, des réformes s’imposent, et des sanctions.

Mauvaises nouvelles de notre aile gauche. Nous avons perdu du terrain. Un radio de la cavalerie allemande indique qu’un bataillon de notre XIVe corps a été surpris et qu’un grand nombre de prisonniers nous ont été faits. Cependant le reste du XIVe corps et le XXe ont pu continuer vers le nord, à l’est d’Amiens, la marche qui leur est prescrite. Joffre croit encore qu’ils réussiront à opérer la conversion prévue dans la direction du sud-est et de Saint-Quentin. Mais il compte de moins en moins sur un résultat important.

À la fin de la journée, je reçois du préfet de la Meuse un télégramme qui me remplit de tristesse : « Allemands maîtres de Saint-Mihiel et du camp des Romains. » Nous songeons avec angoisse, ma femme et moi, à la gracieuse petite cité meusienne, assise au pied de ses vieilles roches, les pieds dans la rivière, aux amis que nous avons laissés là-bas, aux vieux livres et aux objets d’art qui vont tomber aux mains de l’ennemi, notamment ce chef-d’œuvre de Ligier Richier, cette Mise au tombeau