Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/338

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que nous allions contempler, en été, dans le silence de l’église Saint-Eticnne. Nous nous demandons avec émoi par quelle complicité du sort les Allemands ont pu s’emparer si facilement de ce fort du camp des Romains, dont le G. Q. G. attendait au moins quelques jours de résistance. Mais à peine ces images douloureuses ont-elles passé devant nos yeux que nous apprenons que nos batteries, nos coupoles, nos casemates, si elles ne nous ont pas été d’une grande utilité, vont en revanche offrir leurs services à l’envahisseur. « Du camp des Romains, nous télégraphie le préfet, les Allemands bombardent Sampigny. » Ils ont beau jeu et ils ne trouveront jamais meilleure occasion d’entreprendre des tirs de plein fouet. De cette éminence qu’avaient déjà fortifiée les Celtes et qu’à leur tour ont occupée les Romains, les artilleurs ennemis peuvent voir maintenant, à quelques kilomètres de distance, sur l’autre rive de la Meuse, le paisible village où nous avons passé, mes vieux parents, ma femme et moi, des jours si heureux. Temps disparu, temps béni, dont je n’ai pas le droit aujourd’hui, dans le désastre général, d’évoquer, même silencieusement, le mélancolique souvenir.


Samedi 26 septembre

De nouveau, les communiqués à la presse contiennent de fâcheuses réticences, que je signale au Conseil des ministres. Il n’y est fait aucune allusion à la capitulation du Camp des Romains. On annonce que nous ayons repris Berry-au-Bac et Ribécourt. Mais on n’avait pas avoué que nous les eussions perdus. Je demande, une fois de plus, qu’on nous dise la vérité. Je demande également qu’on nous explique par suite de quelle négligence