Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/371

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l’écriture allemande. Un peu plus loin encore, la terre nouvellement remuée recouvre des cadavres ennemis.

Aux approches de Fère-en-Tardenois, où réside le quartier général anglais, nous rencontrons une longue série de convois. Le ravitaillement des armées britanniques paraît abondamment assuré. Le maréchal French nous attend, avec le prince de Battenberg, frère de la reine d’Espagne, que j’ai vu à Londres l’an dernier et qui semble tout heureux de se battre aux côtés des armées françaises. Une garde composée d’Anglais et d’Irlandais nous rend les honneurs à l’arrivée. La mission française est rangée sur notre passage dans le jardin de la propriété qu’habite le maréchal. Un grand feu brûle dans les cheminées, quoique la température ne soit pas encore très basse.

Longue et cordiale conversation avec French. Il est inutile de faire intervenir Kitchener. Le field marshal se déclare entièrement d’accord avec Joffre et promet que ses troupes s’engageront à l’aile gauche, à mesure qu’elles y arriveront. En revanche, il n’a pas l’air de s’entendre beaucoup avec son ministre, auquel il reproche de n’établir aucune liaison entre le quartier général anglais et les troupes britanniques qui doivent coopérer, avec les Belges et nous, à la défense d’Anvers. French me prie même d’intervenir auprès du gouvernement britannique pour faire cesser un état de choses qu’il juge contraire à l’unité d’action. Le soir, à Ëpernay, Millerand préparera, à cet effet, un télégramme qu’il enverra à Delcassé.

Après avoir vidé, par ordre, une flûte de cham-pagne en l’honneur de l’armée anglaise, nous quittons French et nous revenons par la Marne, à la