Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/372

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nuit tombante, en traversant des bois où, nous a dit Joffre, restent cachés dans les taillis quelques uhlans retardataires qui viennent, le soir, rançonner les habitants des fermes voisines, mais nous n’apercevons aucun de ces rôdeurs de nuit. Nous passons à Dormans, pays de mon vieil ami le sénateur Vallé, et nous allons cantonner à Ëpernay.

Nos logements ont été préparés par l’autorité militaire chez un grand fabricant de champagne, M. Chandon, qui a dû récemment, pendant la bataille de la Marne, recevoir le général von Bùlow, dont la carte est restée épinglée à la porte d’un cabinet de toilette. La chambre qui m’est réservée, pleine de bibelots et de meubles de prix, est celle-là même qu’a occupée le chef allemand et l’obligation d’accepter cette succession n’est pas sans me causer quelque malaise.

Le commandant Herbillon arrive à Épernay vers dix heures et demie du soir. Il nous apprend que Lille est, sans doute, repris par les Allemands, que Lens est également occupé, qu’on ne connaît pas encore l’issue des combats de cavalerie qui se livrent au nord d’Arras, et que vers Roye, nous avons un peu fléchi. Bref, la journée est loin d’être satisfaisante. Le détachement de Maud’huy devient une armée indépendante, qui sera la 10e.



2. Voir L’Europe sous les armes, p. 202 et suiv.


Mardi 6 octobre

De très bonne heure, nous partons pour un petit village champenois situé au nord de Châtillon-sur-Marne. C’est là que se trouve, en ce moment, le quartier général de la 5e armée, commandée par le général Franchet d’Esperey et composée du XVIIIe corps, du Ier, du IIIe et de la 51e division de réserve. Le front de cette armée s’étend