Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/402

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prononce dans mon sens. Augagneur me soutient avec énergie. Ribot croit qu’il conviendrait d’attendre la fin de novembre. Quoi que je dise, je n’obtiens pas une majorité favorable. Je déclare que, dans ces conditions, j’irai seul à Paris la semaine prochaine, qu’après tout, les décrets doivent être signés là où je suis, et non là où sont les ministres, et que je revendique le droit de rentrer à l’Élysée sans délibération du Conseil. On me répond que le Conseil a le devoir de veiller sur ma sécurité, que je suis « la reine des abeilles », que je « fais » les ministres, qu’on peut aisément changer les membres du cabinet, mais que s’il arrivait malheur à un chef de l’État, ce serait un désastre. Je réplique qu’il n’y a aucune vraisemblance qu’il m’arrive malheur, mais que si, par impossible, un accident se produisait, le cabinet exercerait alors le pouvoir exécutif dans sa plénitude, jusqu’à ce que mon successeur fût nommé ; et qu’enfin, s’il y avait réellement l’ombre d’un risque à rentrer, ce serait une raison de plus pour ne pas tarder davantage. Tout finit encore par une cote mal taillée. Millerand demandera à Joffre s’il voit un inconvénient grave à ce que le cabinet quitte Bordeaux et il ajoutera que le gouvernement se propose, en tout état de cause, de partir le 15 novembre. Je répète que personnellement je n’attendrai pas cette date pour aller à Paris et que mon intention est, quoi qu’il advienne, d’y passer quelques jours la semaine prochaine.

Après le Conseil, je reprends la conversation avec Viviani et Millerand. Ils paraissent accepter enfin que nous allions dans quelques jours à l’armée belge, ainsi qu’aux armées Maud’huy et Castelnau.

Une cousine germaine de ma femme, Mme Lesdos,