Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/416

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ramassés sur les champs de bataille. À Pantin, est arrêté un train sanitaire. Je monte dans les wagons, je cause longuement avec les blessés, qui paraissent tous, ici encore, n’avoir d’autre préoccupation que de guérir promptement pour retourner au front. Je m’arrête au cimetière militaire de Pantin pour y déposer une palme. Il pleut sur les tombes fraîches. Des familles en deuil sont là qui prient, nombreuses et résignées.

Dans l’après-midi, autres visites : l’hôpital Beaujon, les ambulances installées au grand Palais des Champs-Élysées, celle que l’Institut a organisée lui-même place Saint-Georges, à l’Hôtel Thiers, sous la surveillance de la commission administrative, dont sont membres MM. Frédéric Masson, Gabriel Hanotaux, Émile Picard et autres infirmiers de grande marque. Frédéric Masson, cordialement bourru, ne me cache pas qu’il désapprouve notre absence de Paris : « Moi aussi, lui dis-je en riant, mais tâchez de convaincre l’autorité militaire. Elle ne refusera rien, je pense, à un historien de Napoléon. » Je lui demande s’il préfère que je fasse remettre à ses blessés des douceurs ou de l’argent : « Quelques douceurs, me dit-il, et beaucoup d’argent. » Et j’exécute de mon mieux ces instructions péremptoires.

À la fin de la journée, nous allons ensemble, Ribot, Sembat et moi, au Bureau central des Postes, pour nous rendre compte de la manière dont y fonctionnent les sections civiles et militaires. Il ne se passe pas de jour où je ne reçoive de très vives réclamations contre le service des postes aux armées et où je ne signale au ministre de la Guerre les plaintes dont je suis saisi. Toutes les réformes qu’on a tentées sont restées jusqu’ici