Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/417

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sans résultat. Il arrive quotidiennement au bureau central plus de neuf cent mille lettres à destination des armées. Les employés affirment néanmoins qu’il n’y a plus actuellement de retard, sauf pour les chargements, qui souffrent d’un arriéré de huit jours, mais qui ne tarderont pas, nous dit-on, à être mis eux-mêmes en règle.

Devant le bureau central, s’est massée une multitude de passants et de curieux, qui, à notre sortie, nous accueillent par des vivats. Il ne semble donc pas que, dans son ensemble, le peuple de Paris garde rancune au gouvernement de sa longue absence. Cependant les lettres d’injures continuent et l’on ne cesse de nous traiter, les ministres et moi, de « fuyards » et de « froussards », parce que le gouvernement a cru devoir céder aux instances de l’autorité militaire. Légende vénéneuse, chiendent tenace, que l’histoire aura du mal à extirper.

Samedi 31 octobre

Dans la matinée, je monte en automobile avec Gallieni et nous parcourons ensemble l’est et le nord du camp retranché. Le gouverneur continue à juger sévèrement les bureaux du ministère de la Guerre et à se plaindre que l’armée territoriale n’est pas encore constituée. Chaque fois que j’interroge Millerand, il me répond qu’on forme des divisions nouvelles aussitôt qu’on a des cadres pour les instruire et que les cadres manquent malheureusement de plus en plus. Gallieni reconnaît que le problème est très complexe, mais il craint que l’administration militaire n’en comprenne pas toute la gravité. Nous passons par Meaux et, au delà de cette ville, le gouverneur