Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/429

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dont la loyauté a, dès la première heure, donné à la France, surprise par l’agression allemande, le temps de concentrer son armée et de se mettre en état de résister. Tels sont les premiers propos que, dans un petit village boueux des Flandres, nous échangeons sans apparat au nom de nos deux pays.

Le roi me fait monter, seul avec lui, dans une automobile découverte. Millerand, Joffre, Du-parge, des officiers, suivent dans d’autres voitures ; et nous nous rendons ainsi, par une jolie matinée d’automne, le long des dunes flamandes, à la petite villa dont la reine Elisabeth a fait, depuis quelques jours, sur la plage sablonneuse de La Panne, sa résidence de guerre. Ce que les Belges du littoral appellent une Panne, c’est, paraît-il, une sorte de dépression parabolique qui, sous la double action de la mer «t du vent, s’ouvre çà et là, dans la chaîne des dunes, et dont le centre incline de plus en plus à reculer vers les terres, tandis que les deux bras sont, au contraire, tendus vers le large. C’est dans cet humble asile que la famille royale de Belgique abrite l’avenir d’un noble peuple. J’entre. Un salon clair, un mobilier très simple. La reine, vêtue d’une robe blanche, me reçoit avec une grâce infinie. Délicate et frêle, il semble qu’elle aurait dû être brisée par la tempête ; mais elle a une âme que rien ne saurait abattre. Elle s’est donnée tout entière à son mari, à ses enfants, à la Belgique. Elle ne vit que pour les siens et pour sa patrie d’adoption. Elle me demande des nouvelles de Mme Poincaré, de Paris, de Bordeaux, de la France. Elle me parle de la guerre avec une résolution mâle, qu’on sent trop forte pour jamais fléchir. Les jeunes princes et la petite princesse sont