Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/467

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pour notre pays. « C’est, me dit-il, avec une tristesse profonde que je m’éloigne de la France à l’heure de la souffrance et du deuil de son peuple, que j’ai vite appris à aimer. » Il me remercie chaleureusement « des attentions bienveillantes et constantes » que nous avons eues envers lui pendant son séjour et il termine en ces termes : « L’attraction inévitable que la France exerce sur tous mes compatriotes et les appels de l’amitié me feront plus tard revenir et revenir encore à Paris. » Je suis sûr qu’aux États-Unis, M. Myron T. Herrick sera un défenseur convaincu de la cause française. Aucun de nous cependant ne le voit partir sans regret.

Je confère dans la journée avec Gallieni, avec Viviani, qui m’a accompagné à Paris, et avec quelques hommes politiques, notamment des députés de la Seine.


Jeudi 26 novembre

Départ matinal en automobile fermée avec Antonin Dubost, président du Sénat. Il a maintenant perdu toute aigreur. Il est revenu à sa vraie nature, qui est bonne et loyale. Il ne pense plus qu’à la France et aux moyens de la sauver. Il a vu 1870. Comme pour Freycinet, c’est pour lui la même guerre qui continue. Il est confiant, résolu, de belle humeur. Ni aujourd’hui, ni demain, il n’admettra qu’on parle devant lui d’une paix prématurée. Deschanel, au contraire, est un peu sombre ; il se plaint d’occuper un poste qui le laisse désœuvré ; il ne paraît plus se rappeler qu’il a tout récemment refusé le pouvoir que je lui offrais. Il fait le voyage, immédiatement derrière Dubost et moi, dans la même voiture que