Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/471

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n’attiédiront pas l’enthousiasme des troupes ; les pertes douloureuses que subit la nation ne troubleront pas sa constance et ne feront pas chanceler sa volonté. La France a épuisé tous les moyens pour épargner à l’humanité une catastrophe sans précédent : elle sait que, pour en éviter le retour, elle doit, d’accord avec ses alliés, en abolir définitivement les causes ; elle sait que les générations actuelles portent en elles, avec le legs du passé, la responsabilité de l’avenir ; elle sait qu’un peuple ne tient pas tout entier dans une minute, si tragique soit-elle, de son existence collective et que, sous peine de désavouer toute notre histoire, nous n’avons pas le droit de répudier notre mission séculaire de civilisation et de liberté.

« Une victoire indécise et une paix précaire exposeraient demain le génie français à de nouvelles insultes de cette barbarie raffinée qui prend le masque de la science pour mieux assouvir ses instincts dominateurs. La France poursuivra jusqu’au bout, par l’inviolable union de tous ses enfants, et avec le persévérant concours de ses alliés, l’œuvre de libération européenne qui est commencée, et lorsqu’elle l’aura couronnée, elle trouvera, sous les auspices de ses morts, une vie plus intense dans la gloire, la concorde et la sécurité. »

Je noue ensuite la cravate de la Légion d’honneur au cou du général Belin, sous-chef d’état-major. Puis, la cérémonie terminée, nous causons avec Joffre et avec Foch, venu de Cassel pour la circonstance. Tous deux sont rassurés sur l’avenir. La guerre, disent-ils, peut être plus ou moins