Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/556

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« Monsieur le président, j’ai appris ce matin que la censure avait, en partie, supprimé un entrefilet où vous portiez contre moi deux accusations. Je ne songe pas, bien entendu, à m’expliquer avec vous sur cette mesure ; mais m’étant renseigné sur ce que contenait l’article blanchi, je ne crois pas pouvoir laisser sans une réponse personnelle votre double imputation. Vous êtes sénateur, vous avez été président du Conseil, vous êtes Georges Clemenceau ; j’ai une magistrature républicaine à exercer aujourd’hui devant l’ennemi ; il ne sera pas dit que j’aurai jamais négligé aucune occasion de conjurer des discordes civiles.

« Vous avez été victime d’une double mystification.

« Jamais je n’ai eu l’idée paradoxale de faire retirer des troupes du front pour être escorté demain dans mes visites aux deux assemblées. Si j’avais voulu maintenir l’escorte traditionnelle, il eût été facile de trouver des cavaliers libres, puisqu’il y en a dans le camp retranché de Paris. Mais il y a plus de dix jours qu’après entente avec MM. Dubost et Deschanel, il a été décidé que les bureaux des Chambres, les ministres et moi, nous sortirions tous demain sans aucun apparat. On n’a donc pas pris aux armées un seul dragon.

« Jamais non plus je n’ai eu la pensée criminelle de demander une augmentation quelconque d’émoluments et je tiendrais pour le plus vil des êtres un président qui, à l’heure présente, nourrirait un dessein semblable ou n’emploierait pas la totalité de ses ressources à secourir les malheureux. Lorsque le projet des douzièmes a été dressé, il l’a été conformément à un usage constant : les