Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/96

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M. Salandra lui a déconseillé cette tentative. Elle serait donc, au moins, prématurée.

Commençons par compter sur nous et sur nos alliés de la première heure. L’offensive russe qui était annoncée pour ce soir et qui devait, dans l’esprit de notre état-major, contribuer à dégager notre front, est malheureusement renvoyée à demain soir ou à samedi matin44. Encore sir Francis Bertie a-t-il apporté aujourd’hui au Quai d’Orsay, d’ordre de sir Ed. Grey, une note destinée à nous avertir que, d’après les rensei6nements du War Office, la Russie conserverait une notable partie de ses forces pour agir éventuellement contre la Turquie. Sir G. Buchanan a été chargé de remontrer à M. Sazonoff qu’il y avait, d’abord, urgence à nous seconder dans la lutte contre l’Allemagne. M. Doumergue et notre état-major insistent dans le même sens à Saint-Pétersbourg. Les engagements qui se multiplient sur nos frontières nous permettent de prévoir, à brève échéance, une formidable poussée des armées allemandes.

L’échec que nous avons subi à Mulhouse et devant Altkirch n’est pas seulement une sérieuse défaite morale, c’est un grave insuccès tactique. Une de nos brigades s’est aventurée sans prendre la précaution de se couvrir et a été forcée de battre en retraite. Envoyé en mission à Belfort et aux confins de la Haute-Alsace, le général Pau, le glorieux blessé de 1870, a conclu à des sanctions immédiates. Le VIle corps a dû aujourd’hui évacuer l’Alsace, repasser la frontière, et se masser autour de la place d’armes que protègent le souvenir de Denfert-Rochereau et la majesté du Lion de Bartholdi.