Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 8, 1931.djvu/8

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va se battre. Mais peut-être est-ce la solidarité meusienne qui rue domine et me trouble la vue. Je me propose d’aller le plus tôt possible parcourir la région fortifiée de Verdun pour me rendre compte sur place de la situation.

Je fais part de cette intention au gouvernement, qui l’approuve, et j’en informe également, par les officiers de liaison, le général Joffre, qui exprime le souhait que j’en ajourne l’exécution et que je lui permette de l’accompagner. Je lui promets bien volontiers de l’emmener avec moi. Mais plusieurs ministres et particulièrement Marcel Sembat protestent contre la demande du général. Le président de la République, disent-ils, a le droit absolu d’aller partout aux armées, quand il est d’accord avec le gouvernement. Il est inadmissible qu’il ait à consulter le général en chef. Théorie constitutionnellement irréprochable. Mais, en fait, le vœu de Joffre est bien naturel et j’ai moi-même intérêt à pouvoir lui adresser sur place à Verdun, de graves et urgentes questions.

Boudenoot, vice-président de la commission sénatoriale de l’armée, m’envoie une note pessimiste qu’il a rédigée dans le Pas-de-Calais, dont il est représentant. L’état des tranchées dans cette région serait très défectueux ; les approvisionnements en effets d’hiver seraient insuffisants ; le moral des soldats déclinerait. Boudenoot redoute le découragement et entrevoit la possibilité de mutineries prochaines. Il se plaint que la plupart des généraux ne s’occupent pas assez des hommes. Je lui réponds que j’irai le plus tôt possible examiner personnellement la situation. En attendant, je communique sa note à Gallieni et je le prie de me renseigner.