Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/183

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s’ignoreraient mutuellement ; et nous, en particulier, nous n’en connaîtrions qu’une seule. Nous n’avons donc pas à nous demander si la nature est une, mais comment elle est une.

Pour le second point, cela ne va pas si aisément. Il n’est pas sûr que la nature soit simple. Pouvons-nous sans danger faire comme si elle l’était ?

Il fut un temps où la simplicité de la loi de Mariotte était un argument invoqué en faveur de son exactitude ; où Fresnel lui-même, après avoir dit, dans une conversation avec Laplace, que la nature ne se soucie pas des difficultés analytiques, se croyait obligé de donner des explications pour ne pas trop heurter l’opinion régnante.

Aujourd’hui les idées ont bien changé ; et cependant ceux qui ne croient pas que les lois naturelles doivent être simples, sont encore obligés souvent de faire comme s’ils le croyaient. Ils ne pourraient se soustraire entièrement à cette nécessité sans rendre impossible toute généralisation et par conséquent toute science.

Il est clair qu’un fait quelconque peut se généraliser d’une infinité de manières, et il s’agit de choisir ; le choix ne peut être guidé que par des considérations de simplicité. Prenons le cas le plus banal, celui de l’interpolation. Nous faisons passer un trait continu, aussi régulier que possible, entre les points donnés par l’observation. Pourquoi évitons-nous les points anguleux, les inflexions trop brusques ? Pourquoi ne faisons-nous pas décrire à