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hypothèses cosmogoniques

la première colonne indique le nombre d’années écoulées à partir de l’époque actuelle, et en arrière (ces époques sont de plus en plus rapprochées à mesure qu’on remonte dans le passé, parce que, la Lune étant alors plus proche de la Terre, les effets des marées étaient plus considérables).

L’énergie mécanique du système Terre-Lune a toujours été en diminuant, le frottement la transformant en chaleur. Si cette chaleur avait été employée à échauffer la Terre, elle aurait élevé sa température d’un certain nombre de degrés (Fahrenheit) : c’est ce nombre de degrés qui figure à la dernière colonne du Tableau. Sir G. H. Darwin fait remarquer que l’on pourrait peut-être invoquer cette cause pour expliquer l’origine de la chaleur interne du globe.

123.Sir G. H. Darwin a aussi essayé de calculer une valeur du coefficient de viscosité inconnu de la Terre, en partant de l’accélération séculaire de la Lune. Des observations d’éclipses dans l’antiquité ont permis d’évaluer cette accélération à 10″. Or, le calcul indique une accélération théorique de 6″ seulement. Il y a donc une accélération de 4″ que la gravitation n’explique pas[1]. Sir G. H. Darwin cherche, comme le fit autrefois Delaunay (no 95), à en rendre compte par l’augmentation du jour sidéral, due au frottement des marées. La Lune s’éloignant de la Terre subit réellement, non pas une accélération, mais un retard, et son accélération apparente ne serait due qu’à la différence entre le retard réel de la rotation terrestre et le retard réel de la révolution lunaire, le premier de ces deux retards étant plus grand que l’autre. C’est en égalant à 4″ la différence de ces deux retards, telle que la lui donnent ses formules, que Sir G. H. Darwin a calculé le coefficient de viscosité de l’intérieur de la Terre. Si l’on adoptait le coefficient ainsi obtenu, on trouverait pour la durée de l’évolution plusieurs milliards d’années ; mais il importe d’observer que la Terre a pu être autrefois beaucoup plus liquide qu’aujourd’hui.

124.Jusqu’ici, nous avons toujours adopté des unités particulières destinées à simplifier les formules. Cela était légitime, parce que nous étudiions l’action des marées produites par un même astre, la Lune,

  1. Peut-être qu’en ajoutant moins de foi à certains passages d’auteurs anciens qui en sont parfois peu dignes, ou dont les textes sont plus ou moins obscurs quand ils rapportent des observations d’éclipses, on arriverait à rétablir l’accord entre l’observation et la théorie de la gravitation.