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hypothèses cosmogoniques

b) Depuis l’époque cambrienne il a pu se déposer 30 000 mètres de sédiments ; or, comme, d’après les géologues, la formation d’un mètre de sédiment exige de 3 000 à 20 000 années, il se serait donc écoulé de 90 millions à 600 millions d’années depuis l’époque cambrienne.

c) L’uranium dégage de l’hélium avec une rapidité connue. Mesurant donc la quantité d’hélium contenue dans les roches uranifères, on en a déduit que ces roches pouvaient avoir 400 millions d’années d’existence.

d) Le radium émet constamment de la chaleur en se transformant en émanation ; d’après Curie, 1 gramme de radium émet 100 petites calories par heure. N’est-il pas permis de voir là l’origine de ce flux de chaleur que révèle le degré géothermique ? Les roches granitiques renferment une fraction de radium qu’on a évaluée à 4.10-12 de leur masse totale. Si l’on admettait que toute la Terre possède autant de radium, on aurait 74 fois trop de chaleur pour réparer la perte de chaleur due au refroidissement. C’est pourquoi on a proposé, pour rétablir l’équilibre, d’admettre que le radium n’existe que jusqu’à une profondeur de 72 kilomètres.

Il est vrai que le radium ne dure pas très longtemps : en l’espace de 1 200 à 1 900 ans il est presque complètement détruit. On a admis alors que le radium n’est qu’un produit de transformation de l’uranium qui, lui, ne se transforme que très lentement.

163.Les considérations précédentes ont été étendues au Soleil et l’on a proposé d’admettre que l’énergie qu’il rayonne est d’origine radioactive. On pourrait augmenter ainsi dans des proportions considérables la quantité d’énergie que le Soleil contient en réserve, et prolonger de beaucoup sa durée, aussi bien dans le passé que dans l’avenir. Malgré ce que cette théorie a d’hypothétique et de prématuré, elle suffit à nous convaincre que les chiffres de Lord Kelvin et de Helmholtz, qui refusent au Soleil un âge supérieur à 50 millions d’années, ne doivent pas être acceptés sans les plus expresses réserves. Un fait entièrement inconnu de Helmholtz suffit pour que son raisonnement perde sa force probante ; il y a sans doute beaucoup d’autres sources ou réservoirs d’énergie que nous ne pouvons pas plus soupçonner que Helmholtz ne soupçonnait le radium.