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CHAPITRE xii.

LA VOIE LACTÉE ET LA THÉORIE DES GAZ.[1]


194.Nous allons, dans ce Chapitre, exposer des considérations dont la première idée remonte à Lord Kelvin.

Dans la théorie cinétique des gaz, une masse gazeuse est regardée comme un système formé d’un très grand nombre de points matériels (les molécules) s’entrecroisant dans tous les sens ; ces points matériels agissent à distance les uns sur les autres, mais cette action n’est sensible qu’à des distances extrêmement faibles et s’évanouit très vite lorsque la distance augmente.

Si nous envisageons l’ensemble de la Voie lactée, nous trouvons que cette nébuleuse est constituée de même par un grand nombre de points matériels (les étoiles) qui s’attirent l’un l’autre suivant la loi de Newton, et qui sont animés de vitesses de translation paraissant dirigées dans tous les sens. L’attraction newtonienne est très faible aux distances qui séparent ordinairement les étoiles ; aussi, peut-on considérer les trajectoires de celles-ci comme étant généralement rectilignes ; elles ne s’incurvent et ne se dévient que lorsque deux étoiles viennent à passer suffisamment près l’une de l’autre.

Nous pouvons donc, à un certain point de vue, dire que la Voie lactée tout entière est comparable à une masse gazeuse — aux dimensions près. Et, poussant plus loin l’assimilation, nous pouvons essayer de lui appliquer les théorèmes de la théorie cinétique des gaz.

195.Cherchons à nous faire une idée des dimensions de la Voie lactée par l’observation des mouvements propres des étoiles. De même que, dans une masse gazeuse libre en équilibre adiabatique, la pression

  1. H. Poincaré : Voir Bulletin de la Société astronomique de France, avril 1906, p. 153-185 ; et Science et Méthode, Livre IV, Ch. I (Bibliothèque de Philosophie Scientifique, Paris, Flammarion, 1908).