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la voie lactée et la théorie des gaz

au delà de laquelle la force centrifuge à l’équateur l’emporte sur l’attraction : la figure d’équilibre correspondante est très aplatie, et, au delà, il n’y a plus de figure d’équilibre stable. Comme, pour la Voie lactée, la densité est extrêmement faible, la vitesse angulaire limite sera très faible aussi : elle correspondrait environ à un tour complet en 300 millions d’années, soit 1/5 de seconde d’arc par siècle. Un tel mouvement échapperait, bien entendu, complètement à l’observation : nous ne pourrions, en effet, nous en apercevoir qu’en visant des nébuleuses extérieures à La Voie lactée et ne participant pas à sa rotation (de même que nous nous apercevons du mouvement diurne de la Terre en visant les étoiles fixes extérieures à la Terre). Or, outre que le mouvement à mettre en évidence est extrêmement petit, les pointés sur les nébuleuses sont fort peu précis.

Il y a encore une autre hypothèse qui consiste à regarder la Voie lactée comme une nébuleuse spirale[1]. Considérons une masse gazeuse animée d’un mouvement de rotation de plus en plus rapide. Au début, la rotation étant nulle ou très faible, la figure de la masse gazeuse est sphérique ; la rotation s’accélérant, elle s’aplatit et prend une forme analogue[2] à l’ellipsoïde de Mac-Laurin ; la rotation devenant encore plus rapide, l’aplatissement augmente, et la figure devient analogue à l’ellipsoïde de Jacobi. Si la rotation s’accroît encore, la force centrifuge aux deux extrémités du grand axe viendra à l’emporter sur l’attraction, et la matière s’échappera en deux jets à ces deux sommets : ces deux jets prendront évidemment une forme spirale, en vertu du principe des aires, l’aile marchante prenant un retard sur le pivot. Ainsi, la masse gazeuse offrira l’image d’une nébuleuse spirale, ses molécules représentant les étoiles dont se compose cette nébuleuse. Il ne paraît donc pas impossible d’expliquer les formes spirales des nébuleuses en ne faisant intervenir que la loi de gravitation et des considérations statistiques rappelant celles de la théorie des gaz.

  1. Les nébuleuses spirales, quoiqu’irrésolubles, offrent un spectre continu. Aussi les considère-t-on généralement comme formées d’une multitude d’étoiles que leur éloignement empêche de distinguer. Elles seraient, en quelque sorte, d’autres voies lactées situées à des distances immenses.
  2. Nous disons analogue, car l’existence des figures ellipsoïdales de Mac-Laurin et de Jacobi n’a été démontrée (no 47) que pour une masse fluide homogène, et notre gaz ne l’est pas.