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LE « MEMBRE »

— Mais non ! mais non ! s’obstina à dire Donat Mansot, Je ne suis plus accoutumé au pays et je regarde, voilà tout.

En effet, il l’avait quitté depuis bientôt cinq ans le pays et tout avait un peu changé. Fils du père Claude Mansot qui possédait le plus beau lot du grand rang de la paroisse de Sainte-Artémise de Trou-en-Mer, Donat, quand il était jeune, tenait de sa mère par son tempérament « poumonique ». Dur et sec, le père n’avait jamais eu de « câlineries », pour cet enfant « maigrechine » qui ne pourrait jamais tenir les manchons de la charrue, conduire la herse à ressorts ni même toucher les bœufs.

Aussi, la « bonne femme » morte, il le mit au séminaire, espérant qu’il se « renforcirait » et qu’il ferait un prêtre. Il fut vite « détrompé ». Pendant ses vacances, Donat passait son temps à rêvasser et à flâner ruminant toutes sortes de « calembredaines » dans sa jeune « caboche ». Quand il eut passé son « bac », il écrivit à son père qu’il avait eu une place dans une gazette et qu’il l’acceptait, peu importe c’que dirait l’« bonhomme ». Quelques mois plus tard, il était lancé dans la politique. Il gagna sa vie comme ça, « halle quin ben ». Et, c’est pour cela que le bonhomme Mansot en voulait un « tant seurment » à son fils de n’avoir pas fait un habitant comme lui et de s’être « emberlificoté » dans le métier « fainéanteux » de journaliste. Pourtant, il se « gourma » un peu quand il apprit que son garçon, dont il n’avait, du reste, jamais connu les couleurs politiques, avait gagné ses élections dans le comté de l’Achigan où il s’était présenté comme in-