Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/120

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de la rivière qui coule au pied de la montagne. Là, imitant le chantre de Gulnare, il traverse à la nage cet autre Hellespont. Il prend ensuite son café en parcourant un mauvais journal, et enfin il s’habille.


Des promenades, des lectures, un profond sommeil, l’ombre des bois, le murmure du ruisseau ; parfois le frais baiser d’une jeune fille aux yeux noirs ; un ardent coursier docile au frein, un dîner recherché, une bouteille d’un vin clair, la solitude, la paix : voilà ce qui remplit la vie d’Eugène. Cette manière de couler ses jours a pour lui un charme auquel il se livre tout entier : il ne compte plus, dans son heureuse insouciance, les beaux jours de l’été ; il oublie la ville et les amis et l’ennui des préparatifs d’une fête.


Notre été du Nord, pâle reflet des étés du Midi, se montre à peine et disparaît : — voilà ce qui arrive le plus ordinairement, malgré que nous ne voulions pas en convenir. — Déjà le ciel d’automne passe sur nos têtes, le soleil brille plus rare, les jours deviennent plus courts, l’ombre mystérieuse des bois disparaît avec chaque feuille qui tombe ; le brouillard couvre la campagne, la caravane des