Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/119

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lisent toujours leurs vers à leurs bien-aimées, et l’on dit que ce bonheur est le plus grand qui soit sur la terre. En effet, il est vraiment heureux le poète rêveur qui récite à sa belle les strophes où il exalte son amour ! Il est heureux… quoique peut-être elle soit préoccupée de tout autre chose !


Quant à moi, je ne lis qu’à ma vieille bonne le résultat de mes rêveries et mes ébauches timides. Quelquefois pourtant, il m’arrive, après un ennuyeux dîner, de saisir inopinément par le pan de son habit le voisin qui me rend visite, et de lui faire endurer, dans un coin, la lecture d’une tragédie. Quelquefois encore (et cela sans plaisanterie), las du travail de la versification, et traînant un pesant ennui, j’erre sur les bords de mon lac, et je m’en vais troubler de mes strophes sonores la troupe des canards sauvages, qui écoute attentivement et s’envole à tire d’aile sur l’autre rive.


— Mais revenons à Eugène Onéguine. — Attendez, mon ami, je vais vous dépeindre en détail ses occupations journalières.

Onéguine vit en anachorète ; en été, il se lève vers sept heures et se dirige d’un pas léger au bord