Telles étaient les réflexions d’un mauvais sujet roulant, à travers un nuage de poussière, en voiture de poste, et que la volonté toute-puissante de Jupiter avait fait héritier de tous ses parents. Amis de Lioudmila et de Rousslan[1], permettez que, sans autre préambule, je vous fasse faire la connaissance du héros de mon poème. Mon bon ami Eugène Onéguine naquit sur les bords de la Néva, où peut-être vous reçûtes vous-même le jour, où peut-être vous avez brillé, cher lecteur. — Hélas ! il fut un temps où moi aussi je me promenais sur ces rives, mais le Nord m’a été fatal ![2]
Après avoir servi avec honneur, son père s’était endetté, avait continué à donner tous les ans ses trois bals, puis enfin s’était ruiné complètement. La destinée sourit à Eugène : dès son jeune âge, il eut une bonne française, remplacée bientôt par un précepteur. Enfant, il était charmant, malgré ses espiègleries et ses turbulences ; un abbé français, soucieux avant tout de la santé de son élève, ne le fatiguait point par une discipline sévère, traitait