Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/32

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vouerai donc que mon héros n’en savait que juste assez pour lire les épigraphes, parler de Juvénal, écrire vale à la fin d’une lettre, et se rappeler tant bien que mal deux vers de l’Énéide. Son esprit ne le portait pas à remuer la poussière des annales du monde, mais il gardait dans sa mémoire plusieurs anecdotes des jours écoulés depuis Romulus jusqu’à nous.


Son cœur, vide de grandes passions, était sourd aux voix de la poésie, et malgré tous ses efforts, il ne put jamais distinguer le vers iambique du vers choréen. Homère et Théocrite excitaient ses dédains, mais il lisait Adam Smith et s’occupait d’économie politique, c’est-à-dire qu’il pouvait expliquer comment un empire augmente ses richesses, comment il se soutient, et pourquoi il n’a que faire de l’or s’il possède un sol productif et abondant. Son père ne comprenait pas cette théorie, et il ne cessait d’engager ses terres.


Enfin le temps me manque pour énumérer tout ce qu’Eugène savait. Je vous parlerai pourtant de son talent suprême, de la source de ses peines et de ses joies, de ce qui donnait à sa paresse un