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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/181

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notes d’un condamné politique.

nous avions complété une cargaison de 12,000 lattes. Alors nous engageâmes des charretiers pour transporter notre bois à la rivière, puis nous louâmes une berge pour le conduire à Sydney, où nous en opérâmes la vente au prix de dix schellings sterling le mille. C’est-à-dire que nous avions tout juste suffisamment d’argent pour payer la coupe du bois, le charretier, le louage de la berge et acheter des provisions pour une autre quinzaine. Ce n’était pas un résultat brillant ; mais nous vivions comparativement heureux dans notre cabane avec des compatriotes.

Le lendemain de notre vente, nous remontâmes au bois par la rivière, en ramant sur la berge avec laquelle nous avions amené nos lattes et que nous devions ramener au lieu d’embarquement du bois. Nous reprîmes donc nos travaux, avec d’autant plus de courage que nous avions maintenant acquis une certaine habileté au métier, et que, surtout, nous étions désormais endurcis au travail, au point de ne ressentir que juste cette fatigue qui fait trouver le repos du soir si délicieux et le sommeil de la nuit si réparateur. Enfin, n’eût été la chaleur et les maringouins qui vinrent bientôt nous tourmenter, nous nous serions crus assez heureux ; autant qu’on peut l’être, du moins, sous les circonstances dans lesquelles nous nous trouvions.

Comme nous n’espérions pas sortir bientôt de notre condition, et que, occupation pour occupa-