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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/182

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notes d’un condamné politique.

tion, autant valait, pour le moment du moins, notre métier actuel de forestier que tout autre, nous résolûmes de construire un four de terre à la façon du Canada, pour y cuire notre pain en commun. Jusque-là, notre farine avait été convertie en pains cuits sous la cendre sur une pierre plate, à la façon des pays d’Australie. Nous passions donc de la galette au pain, et ce fut une époque.

Partout où demeuraient quatre ou cinq canadiens ensemble, on vit plus tard s’élever un four de terre, et les habitants du pays se disaient : — « Il y a des canadiens ici ! » en apercevant cette commodité domestique, inconnue jusque-là dans les campagnes de la Nouvelle-Galles du Sud.

Ainsi se passèrent tranquillement trois nouvelles semaines de notre exil, pendant lesquelles, chaque jour travaillant, nous avions fabriqué une autre cargaison de lattes, plus considérable que la première. Mais le calme ne dure pas toujours et le bonheur n’est point habitant de cette terre : je vous assure, ami lecteur, que nous l’avons trouvé en Australie moins qu’ailleurs encore.

Nous avions donc, dans la journée dont il va être question, chargé notre barge de nos lattes, avec l’intention de partir de bonne heure, le lendemain, pour le marché de Sydney. La barge fut ancrée près du rivage, prête à nous recevoir au matin : le malheur voulut que, dans la nuit, elle fût entraînée par la marée sur une grosse