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l’avons si souvent fait, en prenant, par exemple, l’égalité pour une loi naturelle, quand la Providence a eu soin d’écrire en tête de toutes les pages de sa grande Bible : inégalité, inégalité, en tout, partout et pour tout, tant elle paraît avoir eu à cœur de nous épargner cette funeste méprise. » (Organon de la propriété intellectuelle.)

À mon tour je demanderai à M. Jobard :

Homme de bien, qui voyez tant de choses,


où donc avez-vous aperçu l’inégalité dans la nature autrement que comme une anomalie ?

Oui, tout est variable, irrégulier, inconstant, inégal dans l’univers : c’est là le fait brut, que le premier regard jeté sur les choses y fait apercevoir. Mais cette variabilité, anomalie, inconstance, cette inégalité, enfin, est renfermée partout dans des bornes étroites, posées par une loi supérieure à laquelle se ramènent tous les faits bruts, et qui est l’égalité même.

Les jours de l’année sont égaux, les années égales ; les révolutions de la lune, variables dans une certaine limite, se ramènent toujours à l’égalité. La législation des mondes est une législation égalitaire. Descendons sur notre globe : est-ce que la quantité de pluie qui tombe chaque année en tout pays n’est pas sensiblement égale ? Quoi de plus variable que la température ? Et cependant, en hiver, été, de jour, de nuit, l’égalité est encore sa loi. L’égalité gouverne l’Océan, dont le flux et le reflux, dans leurs moyennes, marchent avec la régularité du pendule. Considérez les animaux et les plantes, chacun dans son espèce : partout vous retrouvez, sous des variations restreintes, causées par des influences extérieures, la loi d’égalité. L’inégalité, pour tout dire, ne vient pas de l’essence des choses, de leur intimité ; elle vient du dehors. Ôtez cette influence de hasard, et tout rentre dans l’égalité absolue. La feuille est égale à la feuille, la fleur à la fleur,