Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/344

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’ont certes pas établi le contraire. Ils acceptent de confiance le statu quo ; ils ne le justifient pas.

De quel droit donc, après avoir pris pour majeure de leur syllogisme une tendance organique, sans se demander si cette tendance est légitime ou illégitime, effet du hasard ou de la civilisation, acceptent-ils pour mineure un fait, sans examiner davantage si ce fait est l’expression fidèle de la vérité, s’il ne couvre pas lui-même une tendance qui corrige, annule ou compense l’effet de la première ; s’il est, en un mot, de subversion ou d’ordre ? Tout cela est-il d’une logique sévère, d’une observation méthodique et rationnelle ?

J’insiste sur ce point, qui est capital dans la question.

D’après les statistiques officielles, la population des États-Unis, ne rencontrant pas d’obstacle à sa tendance, a doublé, de 1782 à 1850, à peu près tous les vingt ou vingt-cinq ans. Mais on oublie d’ajouter que la richesse des États-Unis, ne rencontrant pas non plus d’obstacles, a doublé et plus que doublé dans la même période. Et c’est tout simple. Des hommes qui s’associent, qui combinent leurs efforts, qui au travail manuel ajoutent comme moyen d’action les grandes forces économiques, la division du travail, le groupement des forces, la mécanique, etc. ; des hommes placés dans de telles conditions développent plus de richesse que de population ; ils produisent plus vite qu’ils n’engendrent, et, tandis que le mouvement des générations parmi eux semble confirmer la théorie de Malthus, le mouvement de la production la contredit. C’est là un fait grave, de moins en moins aperçu, il est vrai, dans nos vieilles sociétés anti-juridiques, mais dont il importe de tenir compte.

« Je suppose que deux hommes, isolés, sans instruments, disputant aux bêtes leur chétive nourriture, rendent une valeur égale à 2 : que ces deux hommes changent de régime et unis-