Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/453

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d’abord son Discours sur l’histoire universelle, ou démonstration de la Providence, puis sa Politique tirée de l’Écriture sainte, qui en est le corollaire. Dans ces deux ouvrages, Bossuet a eu pour but d’opposer la doctrine chrétienne et providentielle du gouvernement des sociétés à la doctrine fataliste des païens, renouvelée par Machiavel, Hobbes et Spinoza.

Bossuet comprend la loi de la monarchie comme celle de l’Église. Sans doute il recommande au prince la clémence, la justice, la chasteté, la bonne foi, l’économie, la tempérance et toutes les vertus chrétiennes ; mais il met aussi au nombre de ses prérogatives les lettres de cachet, les coups d’État, la violation des consciences, la proscription par masses, et tous les moyens sommaires que peut appeler l’insurgence du peuple. C’est bien de Bossuet qu’est ce beau mot : Tout ce qui se fait contre le droit est nul de soi. Mais cette maxime l’embarrasse peu : le suprême droit, à ses yeux, c’est l’autorité, la hiérarchie sociale, c’est en un mot l’accomplissement des destinées de l’Église ; et du moment qu’il y va de l’orthodoxie ou de l’autorité, Bossuet n’hésite point à mettre la Justice en fourrière. Dieu le commande : Providentia.

Nous sommes tout pénétrés de cet esprit ecclésiastique, qui a survécu dans la société chrétienne à la séparation du temporel et du spirituel, et à la division de l’Église elle-même. Ce n’est pas en vain que les princes ont été appelés évêques du dehors, et que Charlemagne est représenté vêtu de la chappe, comme un métropolitain. Au machiavélisme antique, l’État moderne joint le providentialisme sacerdotal : la civilisation s’est couverte d’une double plaie. La Révolution, qui devait abolir ce régime atroce, n’y a fait, par l’ineptie de ses chefs, qu’une brèche insignifiante. Après les massacres de septembre et la suppression des cultes en 93, l’Église martyrisée a pu