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dire, comme le Christ montant au ciel : Je m’en vais, mais je vous laisse mon esprit !… Cet esprit, c’était le messie de Catherine Théos, Robespierre ; c’était le président des théo-philanthropes, Laréveillère-Lépeaux ; c’était l’auteur du Concordat, Napoléon.

XXX

Si nous avons peu de foi au cœur, nous sommes loin, en revanche, d’avoir dépouillé notre vieille chair : nous sommes chrétiens, en politique, comme jamais. En sommes-nous plus moraux, plus justes, plus probes ? c’est autre chose.

En 1848, pendant l’insurrection de juin, l’Assemblée constituante, afin d’arriver à la répression radicale de la révolte, déclare la ville de Paris en état de siége. Depuis, la même mesure a été renouvelée plusieurs fois. L’état de siége, c’est, entre autres, la suspension de la justice et des garanties légales, et la concentration de tous les pouvoirs dans les mains de l’autorité militaire.

Suspension de la justice et des lois ! Cela signifie, Monseigneur, suspension de la morale.

D’où peut donc venir une pareille idée ? Est-il dans la vie des peuples des moments où la suspension de la morale puisse être regardée comme une loi de salut public ? La théorie de la fatalité dit oui, et la théorie de la Providence parle de même. Il ne fallait pas moins que deux puissances de cet ordre pour forcer les consciences, qui toutes protestent contre une pareille extrémité. Cincinnatus abdiquait la dictature après quatorze jours de commandement ; encore ne l’avait-il prise que pour combattre l’ennemi. Le général Cavaignac la déposa le lendemain de la bataille ; l’Assemblée constituante elle-même, quoique pleine de chrétiens, combattant pour la propriété et pour l’Église, déclara que l’état de siége