Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Mais, par un inconcevable mystère, l’homme a le pouvoir de désobéir à Dieu et de faire le mal : c’est ce pouvoir de damnation qui constitue la liberté. Elle n’est point une prérogative de notre nature : à Dieu seul, comme l’a prouvé Descartes, appartient le franc arbitre ; elle n’est pas non plus une fonction ou faculté de notre âme : une faculté d’option, ou qui ne s’exerce que pour le mal, n’est pas. La liberté, écueil de la philosophie, est le témoin irréfutable et incorruptible, que vous ne pouvez récuser sans faire acte de religion, que vous ne pouvez recevoir sans tomber à genoux devant le Christ. »

Que veulent-ils donc, avec leur prétendu rationalisme, ces philosophes dont la pensée tend constamment à s’absorber dans l’absolu ? Que nous apportent-ils de plus que l’Église ? Qu’ont-ils trouvé qu’elle n’eût trouvé avant eux ? Qu’ont-ils vu qu’elle n’ait pas vu, et que font-ils autre chose, depuis Descartes jusqu’à M. Michelet, que de tourner, comme des chevaux de manége, dans le labyrinthe de la théologie ?

Spinoza, en dépit de son fatalisme, qui d’ailleurs n’existe que dans son imagination et que dément son système, n’est-il pas chrétien autant que Descartes et Leibnitz ? Kant et Fichte parlent-ils autrement que Malebranche et Bossuet ? Et quand M. Jules Simon, en logicien éclectique, rassemble autour de la liberté ce qu’il nomme les preuves de la liberté : le sens intime, qui ne prouve rien ; le consentement universel, qui est la même chose que le sens intime ; la pratique de la société, que conduit à l’aveugle le sens intime ; le remords, qui n’a nul besoin pour exister de la liberté, et prouve encore moins que le sens intime ; l’établissement des peines, qui rentre dans la pratique, vraie ou fausse, de la société ; l’idée de cause finale, qui appartient à l’intelligence et n’est qu’une manière de considérer l’action de la fatalité elle-même ;