Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/197

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qui ne sont pas chastes, parce que, plus l’homme est chaste, moins la continence lui est pénible, moins son amour a besoin de réalisation charnelle. Épicure, en suivant cette donnée, allait jusqu’à prétendre que volupté et chasteté sont synonymes.

Eh bien ! ne voilà-t-il pas un beau texte de déclamation, qu’en un siècle de libres amours, malgré ma chasteté naturelle il me soit arrivé, sans doute plus d’une fois, de pécher contre la vertu de continence ? Où donc aurais-je appris à soutenir une pareille lutte ? Où sont les principes qui régissent la matière ? Où les exemples ? Et quand l’incertitude est dans toutes les âmes, quand l’incontinence règne partout, depuis la caserne jusqu’à l’Église, est-il judicieux, est-il décent de venir remuer cette vilenie ? Qu’est-ce que la virginité plus ou moins authentique d’un écrivain peut faire à la république sociale ? Que font à l’Église les fornications de ses moines et moinesses, de ses prêtres, de ses cardinaux et de ses papes ? Vous me reprochez d’avoir connu ma femme avant la cérémonie : c’est la mode en Suisse et dans d’autres pays. Je répète que, quant à moi, l’imputation est calomnieuse ; mais quand cela serait, quand il serait vrai qu’avant de me marier au 5e arrondissement je l’ai été, comme tant d’autres, au treizième, que pouvez-vous en conclure, en ce temps de fornication universelle, je ne dis pas contre mes principes, mais contre mes mœurs ? Je connais tels et tels qui se font un point d’honneur de se passer, pour leurs unions, et de l’acte civil et de la bénédiction ecclésiastique : tant le contrat matrimonial, déshonoré par l’intérêt, leur paraît contraire à la dignité de l’amour et leur inspire d’horreur. Je ne partage pas, du moins pour ce qui regarde l’acte civil, cette manière de voir, mais je n’en tire aucune conclusion contre l’honorabilité des personnes. Ces gens-là se trompent, à mon